La CGT a demandé l’annulation des listes irrégulières au TI de Courbevoie.
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La représentation équilibrée entre les Femmes et les Hommes
Elle est désormais prévue par l’article L2314-30 du Code du travail. Cette règle est d’ordre publique absolue.
Pour chaque collège électoral, les listes qui comportent plusieurs candidats sont composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale.
Les listes sont composées alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes.
Lorsque les listes sont incomplètes la part de femmes et d’hommes s’appliquent sur le nombre de candidats présentés.
Lorsque plus de deux postes sont à pourvoir, une organisation syndicale est en droit de présenter une liste comportant moins de candidats que de sièges à pourvoir, dès lors que la liste respecte les prescriptions de la proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré.
Les listes uninominales sont illégales : la Cour de cassation, dans l’arrêt n°714 du 9 mai 2018 (17-14.088) considère que l’exigence de mixité établie par la loi et d’ordre public absolu ne fait pas obstacle à la liberté syndicale de choisir ses candidat·e·s. Il en résulte que, dès lors qu’il y a plusieurs sièges à pourvoir dans un collège mixte, il n’est pas possible de présenter des candidatures individuelles.
Le préjudice subi.
Pas moins de 18 listes (9 listes Titulaires et 9 listes Suppléants) ne respectaient pas la représentation équilibrées F/H. Les 9 listes Titulaires irrégulières ont obtenu 478 voix (CGC 200, CFTC 179, UNSA 99). Cela représente 15,1% des suffrages obtenus.
Si elles avaient été toutes annulées la représentativité se serait établie comme suit : CFDT 41,6%, CGC 24,6%, CGT 22,8%, CFTC 11,1%, UNSA 0%.
Les listes uninominales de la CGC n’avaient pour but que d’obtenir la représentativité sur des établissements où ils n’étaient pas en mesure de présenter de liste du tout (une liste devant être forcément mixte). En effet, à supposer que le quorum aurait été atteint (ce qui est exceptionnel chez CGI), la CGC encourait, dans le meilleur des cas pour elle (contestation après les élections), l’annulation des élus surnuméraires du sexe sur-représenté, c’est-à-dire l’annulation de l’élection de son seul candidat. Elle n’a donc présenté celui-ci que pour obtenir sa représentativité dans ces 3 établissements où les syndicats respectant la loi et l’ordre public se sont donc abstenus de le faire.
La CGC a ainsi obtenu 64 voix (1,5% de ses 27,2% de représentativité nationale) au détriment des syndicats respectueux de l’équilibre F/H et surtout pourra ainsi disposer de 3 délégués syndicaux (72h de délégation par mois) là où la CGT et la CFDT ne pourront le faire.
A noter, pour l’anecdote, qu’à l’issu du premier tour, la CGC se targue d’avoir eu la plus grande progression en gain de points et d’être la seule à avoir présenté des candidats dans tous les établissements. Un point de vue qui ne manque ni d’audace, ni de mépris vis-à-vis des autres organisations syndicales. Au moins, assument-ils fièrement et avec une désinvolture confondante leur désintérêt pour la promotion de l’égalité professionnelle pour les femmes, à minima quand il s’agit de l’appliquer à eux-mêmes. La CFTC plus discrète, n’est pas en reste.
Il est impossible de déterminer le score qu’auraient eu les listes irrégulières à candidats multiples. Ramenées à l’équilibre F/H, elles auraient comporté moins de candidats et auraient probablement de ce fait perdu des voix, mais combien ? Entre les 15,1% qu’elles ont obtenu et les 1,5% mécaniquement obtenus par des listes qui n’auraient pas du exister, nous situons le préjudice subi par les syndicats respectant la représentation équilibrée entre les femmes et les hommes aux alentours de 5% des suffrages.
Mais dites-nous, la CGT n’aurait-elle pas, elle aussi, essayé de présenter une liste uninominale sur Nord ?
En effet, nous avions sur Nord une candidate potentielle que nous ne pouvions présenter en vertu des règles énoncées plus haut.
Lorsque nous avons appris par des indiscrétions que d’autres syndicats présenteraient des listes avec un seul homme et notamment dans la BU Nord, nous avons mis les bouchées double pour tenter de trouver une candidature masculine permettant de présenter une liste équilibrée. Plusieurs réponses devaient nous parvenir en fin de matinée. A 11h45, il est apparu que nous n’aurions pas de réponse à temps, nous n’avons pas voulu nous résoudre à laisser le champ libre à une liste uninominale masculine et nous avons décidé de présenter notre candidate seule.
Malheureusement, le temps de faire signer cette liste le secrétaire général de notre syndicat, puis des problèmes de lenteur sur l’intranet combinés au plantage du PC sur lequel nous étions en train de scanner la liste, ont retardé son envoi par mail à la Direction. Elle n’est parvenue qu’à 12h02 soit 2 minutes après l’expiration du délai de dépôt. Malgré le caractère bénin et aucunement perturbateur de ce petit retard, la Direction, plus regardante à notre égard qu’à celui des listes non signées, a refusé catégoriquement de la prendre en compte.
Néanmoins, nous avons demandé au tribunal de ne retenir cette liste qu’au seul regard du faible retard à son dépôt. Nous avons par ailleurs maintenu la demande d’annulation des listes uninominales y compris donc la nôtre.
Ce n’est finalement que vers 16h que notre liste a pu être complétée par une candidature masculine.
La requête de la CGT
La CGT a tenu à agir en extrême urgence soit avant le début du premier tour pour obtenir l’annulation des listes irrégulières. En effet, une fois le premier tour déroulé, les sanctions possibles sont limités à l’annulation des candidats surnuméraires élus sur les listes ne respectant pas la représentation équilibrée. Or il était attendu qu’au premier tour le quorum avait peu de chance d’être atteint.
La loi prévoit qu’une saisine urgente pour irrégularité en amont du scrutin doit connaitre une décision du juge dans les 10j.
Malheureusement, ce délai n’a pas été respecté, l’audience étant même fixée après l’ouverture du vote, le 15 novembre.
Si nous comprenons bien les difficultés de la justice à être rendue dans les temps, cet état de fait nous a été extrêmement préjudiciable.
Une fois le premier tour débuté, il aurait été plus logique de demander l’annulation du premier tour, mais nous nous refusions à formuler cette demande car le préjudice subi par les salarié·e·s de CGI aurait été disproportionné. N’oublions pas que nous avons œuvré pour que les élections se tiennent au plus tôt et que s’il n’avait tenu qu’à nous, elles auraient eu lieu 1 an plus tôt. Dès lors notre position était très dure à tenir mais nous ne voulions pas laisser les irrégularités commises sans réponses.
Le jugement du Tribunal d’Instance de Courbevoie
Ce jugement a été rendu le 29 novembre après la remise du « Hérisson » à la Direction pour diffusion.
Le TI de Courbevoie nous a malheureusement débouté de toutes nos demandes.
Faut-il y voir un désaveu pour notre action ?
Assurément non !
En effet, ce jugement rendu nous donne raison sur les principaux points et ce n’est que le timing des opérations, bien indépendant de notre volonté, qui nous a fait échouer.
Ainsi, concernant le respect de la représentation équilibrée entre les femmes et les hommes, le tribunal note que « Les dispositions de l’article L.2314-30 du Code du travail sont d’ordre public absolu. Lorsque le Tribunal d’instance, saisi du non respect éventuel par les listes de candidats des prescriptions légales relatives à la représentation proportionnelle des hommes et des femmes, statue après qu’il a été procédé aux élections, seules les sanctions prévues à l’article L.2314-32 du Code du travail sont applicables. ». En clair les listes incriminées sont bien irrégulières et troublent l’ordre public.
Il est exprimé par ailleurs que les sanctions prévues à l’article L2314-32 ne concernent que le cas où le TI statue « après qu’il a été procédé aux élections », confirmant en cela par défaut que lorsqu’il se prononce avant, l’annulation est bien la sanction applicable. C’est bien l’application du principe légal général qui veut que le juge peut toujours sanctionner l’acte irrégulier par l’annulation de l’acte.
S’il avait été statué avant le 13 novembre, la juge aurait vraisemblablement annulé les listes irrégulières.
La juge ne fait que constater qu’au moment où il rend son jugement (le 29 novembre) nous sommes dans le cas de figure « après l’élection ». Elle stipule :" le premier tour desdites élections a débuté le 13 novembre 2019 à 10 heures et a pris fin le 20 novembre 2019 à 12 heures. » et « Après la clôture du premier tour du scrutin, il ne peut être fait droit à la demande d’annulation des listes ».
Concernant le recalcul de la représentativité, la juge indique : « Les irrégularités dans le déroulement des opérations électorales entraînent l’annulation du scrutin en cause lorsqu’elles ont eu une influence sur les résultats des élections » et « faute pour le Syndicat CGT CGI d’avoir sollicité l’annulation du scrutin, qui aurait permis l’organisation de nouvelles élections et, le cas échéant, d’une nouvelle mesure de l’audience électorale des organisations syndicales, il ne peut être fait droit, en l’absence de disposition légale fondant une telle prétention, à sa demande… ».
En clair, la juge nous dit qu’il nous aurait fallu demander l’annulation du scrutin. Or, il était hors de question pour nous de formuler une telle demande dans la mesure où, pour juste qu’elle eut été, elle aurait eu l’effet désastreux de priver les salariés de toute représentation élue du Personnel jusqu’à la réorganisation de nouvelles élections.
On le voit bien, ce n’est pas la pertinence de notre action qui l’a faite échouer, mais le timing malheureux qui n’a pas permis qu’elle soit examinée avant le début du 1er tour. Nous sommes ici victimes de la difficulté de la justice à être rendu dans les temps. En effet, une telle demande est prévue être traitée dans les 10 jours. Tel n’a pas été le cas.
En tout état de cause notre action n’aura pas été sans effet puisqu’au second tour, il est à remarquer que toutes les listes de la CGC respectent enfin le principe de la représentation équilibrée F/H. Il ne reste que 2 listes CFTC et 2 listes UNSA à enfreindre ce principe. Nous ne les oublierons pas.
Un dernier mot sur le rejet de notre demande d’annulation des listes non signées. Là aussi le timing fait que seule une demande d’annulation du scrutin aurait pu être satisfaite. Cependant, nous sommes également débouté à notre grande surprise sur le fond. Le jugement dit : « Cependant, aucune des parties ne produit un exemplaire des listes déposées par le Syndicat SICSTI-CFTC. Le demandeur ne rapporte donc aucunement la preuve qui lui incombe du fait que ces listes ne sont pas signées conformément aux stipulations du protocole d’accord préélectoral du 25 septembre 2019. ». Cet argument provoque notre incompréhension puisque nous avions bien fourni copie intégrale des listes non-signées.
En second lieu nous constatons que les parties défenderesses ont réussi à semer la confusion entre la signature des listes proprement dites et celles du mail les déposant. Ainsi le jugement note que le protocole « ne précise pas la forme exacte de la signature exigée ».
Dont acte ! nous serons plus décontractés la prochaine fois que nous présenterons des listes.
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